Gare au gorille
C'est en 1859 qu'Emmanuel Frémiet dévoila au public son "Gorille enlevant une femme". Le jury de l'exposition déclara qu’une telle œuvre était une offense aux bonnes moeurs et l’exclut du salon sans autre forme de procès.
Le gorille étant végétarien, il ne pouvait être soupçonné d'avoir enlevé cette femme dans le but de la dévorer, ce rapt ne pouvait donc avoir qu'une connotation sexuelle. Charles Baudelaire alla même jusqu'à déclarer que cette oeuvre "excitait la curiosité priapique du public" et que "ce viol annoncé est indigne du talent de sculpteur". Curieuse position pour ce poète lui-même censuré pour délit d’outrage à la morale publique (les Bijoux, Le Léthé, À celle qui est trop gaie, Lesbos, Femmes damnées et Les Métamorphoses du vampire).
Quelques années plus tard, cette sculpture allait pourtant recevoir la médaille d'honneur du salon 1887. Le jury s'était peut-être aperçu en examinant l'entrejambe du primate que le gorille était lui aussi une femelle. La thèse du rapt sexuel n'avait plus lieu d'être.