Perte de mémoire

Soyons franc, ce buste n'est pas une photo fraîche du jour.

En fait, une brutale rupture de stock m'a amené à taper dans la réserve.

En fin d'aprem,  je m'arrête pour poster quelques lettres.

Je n'avais encore rien pris de la journée quand je repère

trois superbes motos garées sur le petit parking.

Je ne suis pas amateur de gros cubes mais, à la va vite,

je photographie quelques chromes rutilants au cas où.

Je rabaisse à peine l'objectif qu'un avorton gainé de cuir,

sort de l'immeuble pour s'offusquer de mon outrecuidance.

Crime de lèse majesté : j'avais osé mater sa monture.

A la mine butée du gnome vêtu de peau de vache

je me dis qu'il est préférable d'éviter l'embrouille,

et vide illico sous ses yeux la mémoire du Nikon.

Mais le belliqueux en veut plus pour laver l'affront.

Et comme il n'a pas les moyens de ses ambitions,

le raqueux appelle ses potes à la rescousse.

Cinq armoires normandes se radinent aussi sec et m'entourent.

J'essaie bien d'amadouer les costauds à la tchatche

en invoquant la remarquable beauté de leurs bécanes.

Je ne suis hélas pas tombé sur des individus sensibles à la flatterie.

Sans m'écouter, le plus massif d'entre eux me réclame ma carte mémoire.

Je tente bien de refuser, d'argumenter, de raisonner l'obtus biker

quand un solide ramponneau venu je ne sais d'où me frappe à la tempe.

Le coup inattendu me projette contre le capot de ma bagnole.

En me relevant, je serre la sangle du Nikon dans mon poing

songeant à le faire tournoyer comme une masse d'armes.

Mais le rapport de force n'est manifestement pas en ma faveur.

Les visions de grosse dérouille qui me viennent à l'esprit

bloquent immédiatement toute idée de riposte.

J'obtempère donc, ouvre l'appareil et remet poliment la carte au géant.

Le crâne encore carillonnant, je remonte dans ma caisse,

envisage un bref instant d'emboutir leurs bécanes,

de m'acharner dessus jusqu'à en faire de la purée de boulons.

Mais une fois encore, je la joue profil bas, ravale mon adrénaline

et me casse sans même lever le doigt d'honneur qui me démange.

• Photo en grand format sur One Day One Shot

Comments

[citizen lambda]

Peut-être l'effet du casque qui à la longue comprime les hémisphères cérébraux ? En tous cas, ceux-là étaient de beaux spécimens de primates.

[maryvonne]

quelle aventure citizen
effarant , du grand n'importe nawak
comme dirait Philippe Colin " surtout ne lachez rien "
visiblement plus la cylindrée est élevée plus le Q.I est faible

[pol]

Il vaut peut-être mieux une rupture de stock qu'une rupture de crâne surtout sans carte mémoire

mais il vaut mieux aussi une belle lusitanienne qu'un autoportrait à la tête bandée